On ne partage plus rien, c'est la fin de notre couple

Bonjour chers lecteurs et merci pour l'intérêt que vous portez à notre site, on l'a créé et on l'étoffe depuis des années pour nous tous, afin que celles et ceux qui se retrouvent confrontés à la séparation aient un endroit où trouver des réponses et des récits grâce auxquels ils se sentent moins seuls et un peu moins perdus face à cette épreuve.

Vous nous dites souvent que notre site vous apporte beaucoup de réconfort, notamment au travers des nombreux témoignages que nous partageons dans nos articles et dossiers. Merci pour vos retours positifs qui nous encouragent vivement à poursuivre notre travail de pédagogie et de bienveillance autour de ce délicat sujet.

Aujourd’hui, dans ce nouvel article, nous avons décidé de vous raconter un peu de ce moment éprouvant qu’est la rupture à travers trois couples qui nous ont confié la fin de leur histoire. Le point commun de ces trois divorces réside dans un constat sans appel : ON NE PARTAGE PLUS RIEN, des façons de voir la vie qui se sont éloignées, deux personnes qui ne communiquent plus ou mal, une complicité qui s'est éteinte, un lien étiolé que rien ne semble pouvoir ranimer, rompre apparaît alors comme la seule issue.

Pour des raisons évidentes, nous avons choisi des prénoms de substitution.

 

Marine (41 ans) et Benjamin (44 ans)

Quand ils ont pris la décision de divorcer, Marine et Benjamin étaient mariés depuis 18 ans et ensemble depuis la faculté, une grosse vingtaine d’années ensemble, deux enfants, une jolie maison en Bourgogne et un solide entourage social et familial. Comme souvent, le couple donnait l'impression d'être parfaitement épanoui et solide mais nous savons tous combien les apparences sont parfois trompeuses et le témoignage qu'ils nous livrent illustre bien cet adage. Merci encore à eux pour leur confiance :)

Benjamin – B : « Il m’a fallu longtemps pour assumer que notre couple était sur la fin, j’étais dans le déni parce que je ne voulais pas être à l’initiative de la séparation, je ne voulais pas de cette responsabilité, je refusais d'assumer la décision aux yeux des autres même si je savais qu’avec Marine, on ne s’aimait plus et que rien ne pourrait sauver notre mariage. Pour être tout à fait honnête, je n'avais aucune envie d'endosser le rôle du méchant, celui qui quitte, celui qu'on regarde comme le plus coupable des deux, je me sens un peu idiot d'avouer ça mais c'est la vérité... »

Marine – M : « Il faut dire que nous étions un peu un couple parfait aux yeux de notre entourage. On incarnait le genre de ménage que personne n’imagine voir divorcer, il y avait comme une injonction tacite à rester ensemble. Pendant des mois, alors que j’avais aussi l’intime conviction que la seule issue était notre séparation, j’étais surtout terrorisée par la réaction qu’auraient nos proches, à commencer par nos enfants. Je comprends pourquoi Benjamin n'osait psa mettre des mots sur notre rupture, j'étais un peu dans le même état d'esprit et je suis convaincue qu'il y a plein de couples qui traversent cette période de doutes et d'angoisses, cette crainte du regard des autres. Plus encore, j'étais tétanisée par la peur de la façon dont nos enfants, ado., allaient accueillir cette nouvelle qui chamboulait leur vie.»

Ferdinand, 14 ans et Alicia, 10 ans, sont les deux magnifiques adolescents nés de l’union de nos protagonistes. Leurs parents ayant priorisé la conciliation et fait d’eux le dénominateur commun de leur divorce, ils ont plutôt bien vécu cette séparation du couple parental. Alicia a néanmoins eu besoin de consulter un psychologue pour l'aider à passer ce cap mais après quelques séances, elle s'est sentie plus à l'aise avec la décision de ses parents, elle a pu vider son sac et s'alléger des doutes auxquels une demoiselle de cet âge peut être confrontée face à cette nouvelle.

La culpabilité qu’on ressent, en tant que papa ou en tant que maman, d’imposer à son enfant les conséquences de sa séparation, est parfaitement normale, elle est même saine. Cela dit, il ne faut pas qu’elle soit handicapante, il ne faut pas qu’elle empêche de réagir et d’agir, trop de couples restent ensemble alors qu’il n’y a plus d’amour et de complicité. Laisser perdurer une situation qui ne vous convient pas est stérile, ça ne sert à rien et ça peut même avoir des conséquences dramatiques sur l’estime de soi pour chacun et sur l’ambiance familiale. A ce titre, il ne faut pas hésiter à se faire aider individuellement ou à faire accompagner son enfant par un professionnel qui lui permettra d'externaliser ses peurs et son stress plutôt que de les porter comme un fardeau. Vous pouvez notamment contacter les services de Psy&You pour lesquels nous recevons d'excellents retours et qui propose des suivis sur mesure en fonction de vos besoins et de vos disponibilités. Parenthèse fermée, revenons au témoignage de Marine et Benjamin.

Marine (M) – « Plus le temps passait et plus je me sentais mal, je dormais peu, je n’avais plus goût à grand-chose, je prenais de moins en moins soin de moi et en dehors de mes enfants et de mon taf, peu de choses m’intéressaient. Benjamin faisait sa vie, son boulot, ses copains, sa salle de sport et ses sorties à vélo, on se croisait et ça m’allait parfaitement. On recevait et on sortait beaucoup donc nous n’étions que rarement l’un face à l’autre. Le dimanche était souvent la pire journée pour nous, enfermés dans la maison avec nos enfants, les tâches ménagères, les devoirs, les papiers, j’appréhendais chaque semaine ces quelques heures. De plus en plus souvent, nous nous disputions à cette occasion, on se hurlait parfois dessus et toute la famille finissait le week-end en larmes et en colère ! »

Benjamin (B)- « Il faut dire que nous avions cessé de chercher à nous comprendre depuis quelques années, nous avions laissé un fossé se creuser entre nous. C'est banal, nous nous sommes planqués derrière notre boulot, nos obligations, nos enfants, nos hobbies… Au final, je crois qu’aucun de nous n’avait véritablement conscience que l’amour avait cédé le pas à l’habitude, au confort de ce qu’on connaît bien, on se contentait de la sécurité que nous apportait notre vie commune.

Maintenant qu’un peu de temps est passé, que nous avons tous les deux rencontré une autre personne avec laquelle partager notre vie, je peux dire que nous n'avons pas fait d'efforts, nous étions résignés. Peut-être que si nous avions pris conscience de notre éloignement, nous aurions été plus heureux, au moins le temps de notre vie commune. »

M (Rires) – « Je ne partage pas vraiment cet avis, c’est le côté un peu romantique que s’est découvert le Benjamin qui parle maintenant, ce n’est pas avec moi que tu as développé cette facette de ta personnalité (rires complices entre eux)… Non, soyons réalistes, nous n’avions plus les mêmes envies et les mêmes objectifs que lors de notre rencontre. Je ne renie rien de ce que nous avons construit ensemble, nos enfants sont formidables et nous avons de merveilleux souvenirs mais nous n’étions plus du tout en phase sur la plupart des sujets depuis longtemps déjà. Tu seras d’accord avec moi pour dire que l’éducation de nos enfants a révélé le fossé qui se creusait depuis longtemps entre nous deux. »

B – « C’est vrai, on ne nous prépare pas à la difficulté d’élever ensemble des enfants, c’est vraiment chaud d’être en phase sur tout ce qu’on veut leur transmettre. J’avoue que je suis beaucoup moins exigeant que Marine, je suis un papa cool, trop cool sans doute et je peux comprendre que ça ait été une véritable source d’agacement pour toi. »

M – « Au-delà de l’agacement ponctuel que ça pouvait créer, c’était un profond décalage entre nous et ça nous a éloignés l’un de l’autre. J’étais contrainte de redoubler d’autorité alors que ce n’est pas dans ma nature et je t’en voulais énormément de m’imposer cette façon d’être. Je me suis mise à crier beaucoup, à râler tout le temps, l’ambiance à la maison n’avait plus aucun rapport avec ce que j’imaginais de la vie de famille. On a commencé à se disputer quotidiennement sur ces sujets d’éducation et d’organisation, on se hurlait dessus, on n’arrivait même plus à se parler calmement. Perso., je regrette de ne pas avoir su empêcher ma propre dérive, je regrette de ne pas m’être préservée, j’étais aveuglée par ma rage envers toi alors qu’il aurait fallu qu’on se fasse aider, qu’on s’épargne toutes ces engueulades, on sait maintenant qu’on aurait pu faire autrement. »

B – « Elle a raison et j’ai une énorme responsabilité, je le sais. Maintenant que je suis seul à m’occuper de nos enfants quand ils sont avec moi, j’ai pris conscience que c’était impossible d’être perpétuellement le papa cool… (silence)… on en a déjà reparlé tous les deux depuis et t’as constaté que j’ai fait de gros efforts pour mieux répondre aux besoins de cadrage et d’autorité de nos enfants qui sont d’ailleurs devenus des ado et c’est encore plus important aujourd’hui qu’on sache se montrer fermes et cohérents face à eux. J’essaie de me rattraper et de prendre ma part, Ferdinand (fils aîné) a vraiment senti cette évolution depuis notre divorce, il est loin d’être ravi de ces changements dans notre relation mais je sens aussi qu’il est plus prompt à me respecter et à filer droit. (Rires des deux côtés)… Non, t’es pas d’accord ? »

M – « Si, je suis tout à fait d’accord ! Bien sûr que j’ai été parmi les premiers témoins de ce changement, j’ai d’abord constaté ça au travers de nos enfants, ils se sont très bien adaptés à notre séparation et je pense que le fait qu’on ne vive plus sous le même toit a apaisé toute la famille, paradoxalement. On se disputait si souvent qu’ils ont retrouvé une forme de calme quand nous nous sommes séparés et dans ce nouveau contexte, t’as été obligé de prendre ta place, t’as été obligé de gérer un quotidien avec nos enfants, peut-être que je ne te laissais pas prendre tes marques de papa, on a laissé s'installer une organisation qui ne me convenait pas. Cela dit, tu as raison, t’es parvenu à équilibrer ta relation avec eux et on va tous beaucoup mieux depuis. Je veux ajouter que ce n’était pas la seule difficulté de couple que nous avions, ça a été un révélateur de la crise que nous traversions mais nous nous sommes éloignés à cause de plein de choses et chacun de nous a commis des erreurs qui ont participé à la fin de notre histoire. »

B – « C’est vrai, merci à toi de le rappeler. Je me suis longtemps remis en question et ça m’a aidé que nous puissions en discuter ensemble. Se rencontrer, se marier, fonder une famille, autant d'étapes dans lesquelles chacun évolue à sa manière. Sur la durée, la routine s'est installée, je reconnais m'être laissé porter par la facilité et un peu par l'égoïsme. J'étais ravi d'avoir du temps pour moi et tu prenais naturellement le lead sur plein de domaines, ça m'arrangeait. Au fur et à mesure, nous nous sommes éloignés, on ne parlait plus, on n'envisageait même plus de sortir à deux. Lors de nos disputes, il me semblait évident qu'il fallait rompre mais on finissait pas reprendre le cours de nos vies et rien ne changeait. J'ai compris que se sentir coupable ne fait que freiner les choses et ça ne sert à rien d’essayer de se renvoyer la responsabilité de la rupture. Je pense qu’au contraire, il faut se montrer tolérant l’un avec l’autre, c’est plus facile quand on ne vit plus ensemble et c’est sans doute ce qu’on peut faire de mieux pour nos enfants. J’ai subi le divorce de mes parents quand j’étais gamin, j’étais fils unique et à 9 ans, je me suis retrouvé entre deux adultes qui se haïssaient, qui n’avaient de cesse de me répéter combien l’autre était mauvais, manipulateur et lâche. Je ne voulais pas ça pour notre famille, je voulais à tout prix que nous fassions preuve de compréhension mutuelle et de respect ! Je crois que nous avons réussi et je suis fier de nous là-dessus. »

M – « Voilà qui me semble parfait pour conclure, je n’ai rien à ajouter ! »

La conversation se termine sur les larges sourires de ces deux parents qui semblent tout à fait en phase avec leur nouvelle vie.

Le témoignage de Marine et Benjamin est intéressant à bien des égards et il illustre parfaitement l’éloignement qui s’installe dans de très nombreux couples ayant fondé une famille. Comme ils le rappellent très justement, on peut rarement attribuer un divorce ou une séparation à une seule cause mais c’est généralement un domaine bien précis qui va faire ressortir l’impossibilité de continuer ensemble.

Pour Jamila et Fouad dont le témoignage va suivre, c’est le rapport à la religion qui va cristalliser leur mésentente et précipiter la fin de leur couple.

Jamila (27 ans) et Fouad (28 ans)

Fouad (F) – « Quand on s’est marié en 2017, nous étions persuadés que nous resterions ensemble toute notre vie. Je pensais vraiment avoir trouvé la femme qu'il me fallait, j’allais être un homme comblé, un père de famille accompli, j’avais confiance en notre avenir. Il faut dire que nos deux familles avaient tout fait pour, nous avions été conditionnés par nos entourages respectifs et ils sont très convaincants ! »

Sourires partagés…cédant rapidement la place à un air plus grave pour chacun des deux.

Jamila (J) – « Nos mères ont énormément souffert de notre séparation, elles l’ont vécu comme un échec personnel. L'une comme l'autre, elles souhaitaient tellement que notre union leur offre plein de petits-enfants. Elles avaient tout prévu depuis des années, elles étaient amies de longue date et nos familles se respectent, tout le monde voyait notre union comme un accomplissement. Je crois qu’on peut même dire qu’elles ont plus souffert que nous deux au final ! »

F – « Ce n’est pas faux, nos parents avaient mis tant d’énergie pour nous unir qu’ils ont eu énormément de mal à accepter notre divorce à peine trois années plus tard. Nous avons eu droit à tout et ce qui revenait le plus souvent était le fait que nous n’avions pas d'enfant, nous étions malheureux parce que nous n’avions pas d’enfant selon eux, surtout selon ma mère ! »

Rires complices…

J – « Ma mère aussi n’a eu de cesse de me faire ce reproche, elle était convaincue que si je devenais maman, je serais bien plus ouverte à accepter ce destin, l’autorité de mon époux, ma place de femme dans notre famille, elle pensait que c’était le sens de ma vie, à l’instar de la sienne finalement. Elle se trompait, il était hors de question que j’arrête mes études pour devenir femme au foyer, j’étais en troisième année de lettres modernes quand nous nous sommes mariés et je termine enfin mon cursus l’an prochain, je suis actuellement chargée de TD à la faculté et je travaille sans relâche pour atteindre mes objectifs. J’ai voulu me marier pour fuir un peu l’autorité parentale, prendre le large par rapport à mon cercle familial, m'éloigner de mes frères notamment. J’étais très attachée à Fouad mais je n’ai jamais été réellement amoureuse de lui et toi non plus en réalité. »

F – « Je pense quand même que j’étais plus attaché à toi que le contraire mais je ne peux pas dire que nous étions éperdument amoureux, c’est clair. Pour moi,  la suite logique de mon parcours passait par le mariage et le fait de fonder une famille unie, comme mes parents. Quand j’ai décroché mon premier boulot, mon père m’a incité à trouver une épouse dès que possible et je savais qu’aux yeux de ma famille, le chemin vers Jamila était tout tracé, je n’ai pas vraiment réfléchi, j’ai suivi le mouvement.

Silence chargé d’émotions… Fouad reprend ;

F - « Je n’en veux pas à nos familles d’avoir précipité notre union, ça partait d’intentions honnêtes, ils voulaient notre bonheur. Malheureusement, nous n’étions pas faits l’un pour l’autre et très rapidement, notre vie commune est devenue triste, tendue, on n’avait pas les mêmes envies, les mêmes projets, les mêmes centres d’intérêt et le même rapport à la religion, c'est ce qui a été pour moi l'un des principaux déclencheur de la nécessité de nous séparer. »

J – « Même chose de mon côté, je n’en veux pas à nos familles mais je regrette de ne pas avoir été davantage actrice de mes décisions. J’ai quitté le cocon familial avec une profonde envie de liberté et d’indépendance mais je me suis retrouvée enfermée dans mon propre piège. La seule motivation qui me faisait me lever le matin était de rejoindre la fac, suivre mes cours et apprendre toujours plus. Fouad rentrait du boulot et je n’étais jamais là, je restais tard pour mes révisions, je sortais de temps en temps avec d’autres étudiants et ça ne lui plaisait pas du tout parce que dans nos traditions, une femme mariée n’est pas supposée échanger avec d’autres hommes jusqu’à des heures tardives. Petit à petit, ces habitudes ont généré des tensions entre nous, on se disputait de plus en plus régulièrement et il m’arrivait de claquer la porte de notre appartement pour dormir chez mes parents. J’avais l’impression que Fouad voulait m’emprisonner et faire de moi la femme au foyer que je n’ai jamais voulu être. »

F – « Ce n’était pas mon intention mais je reconnais que je m’attendais à une vie de couple beaucoup plus classique. Je travaillais de façon très intense à l’époque et je me disais que ce n’était pas normal que je me charge de tout chez nous alors que j’avais une épouse pour m’aider. Je suis plutôt ouvert mais mon éducation traditionnelle me pousse à reproduire les modes de fonctionnement de nos parents. C'est certain que ça ne collait pas avec le souhait d’indépendance totale de Jamila. C’est aussi important de dire que nous n’étions pas sur la même longueur d’onde sur bien d’autres sujets. Je suis musulman pratiquant et à ce titre, je ne bois pas et j’avais beaucoup de mal à accepter que mon épouse sorte souvent avec ses copains étudiants, je savais qu’elle allait boire et je ne voulais donc pas qu’elle dorme à mes côtés à son retour… »

J – « Oui, je crois que ça a été un premier déclic pour nous. On s’est dit qu’on avait été trop vite, se marier en se connaissant si peu était une erreur. Fouad est très investi dans sa vie spirituelle, il prie tous les jours, pas moi, il fait le ramadan, pas moi, il avait parfois des discours que je trouvais sectaires et je sais que toi aussi, tu me considérais souvent comme une sorte d’impie … je devais te faire honte …»

Ils échangent des regards un peu gênés

F – « Non, tu ne me faisais pas honte, ce n’est pas vrai mais j’étais malheureux, nous n’avions aucune complicité, nos idées et nos envies étaient opposées. J'avais le sentiment de m'imposer à toi, j'avais aussi l'impression que tu me trouvais bête. Une fois les premiers mois de notre mariage écoulés, nous étions plus étrangers l'un à l'autre qu'avant l'union. On ne parlait quasiment pas ou de choses très futiles comme les courses, la météo, l'actualité. Les disputes étaient quand même fréquentes, je n'aimais pas que tu ailles traîner les bars, tu te moquais de mon plan de carrière, tes études ne m'intéressaient pas du tout et je voulais que tu arrêtes alors que tu ne pensais qu'à aller plus loin. Certains de mes collègues ou amis se foutaient de moi, j'étais très mal à l'aise avec les rumeurs, certains prétendaient que tu me trompais, ça me rendait fou. En réalité, j'étais pas bien avec toi, t'étais pas bien avec moi, on flippait surtout du regard des autres sur un éventuel divorce.

J – « Oui, c’est exactement ça et je veux te remercier de ta compréhension le jour où j’ai eu le courage de te dire qu’il fallait qu’on mette fin à notre mariage, il nous a quand même fallu encore plus d’un an pour avoir le courage d’officialiser cette décision qui a été très difficile à accepter par nos familles. J’ai eu une période d'immense fragilité et j’ai même failli rater mes examens alors que j’avais d’excellents résultats. J’ai été hébergée pendant plusieurs mois chez une de mes tantes car mes parents ne voulaient pas que je rentre chez eux, ils avaient honte de notre divorce. Dans la culture musulmane comme dans la plupart des religions d'ailleurs, le divorce est vécu comme un drame, une erreur de parcours, un épisode honteux qui ternit la réputation d'un nom. J'en veux beaucoup à mes parents et à certains autres membres de ma famille que je refuse encore de croiser aujourd'hui. Le jugement des siens est sans doute l'un des plus violents.  »

F – « De mon côté, j’ai plutôt été choyé par mes proches, ils considéraient que la séparation n’était pas de ma faute, que Jamila était seule responsable de cet échec. J’ai essayé d’expliquer que nous avions décidé ensemble de nous séparer mais je dois reconnaître que ça m’arrangeait bien d’être regardé comme la victime. Je peux assumer maintenant que nous n’étions pas faits l’un pour l’autre, personne n’est coupable et heureusement que nous n'avons pas eu un enfant ensemble. Jamila a eu raison d’aller au bout de ses projets et j’admire son parcours, je lui souhaite le meilleur. »

Manifestement émue, Jamila conclut ;

J – « Merci Fouad, ça me touche que tu dises ça, nous ne nous sommes pas revus depuis un an et même si je vais très bien, j’ai traîné notre divorce comme un boulet derrière moi pendant des mois qui m'ont paru être une éternité. Tu n'imagines pas à quel point ça me fait réellement du bien de t’entendre prononcer ces mots, de savoir que tu ne m’en veux pas ou plus et que toi aussi, tu es plus heureux à présent. »

Cet échange entre Jamila et Fouad, plus d’un an après leur divorce et alors qu’ils ne s’étaient pas croisés depuis, était particulièrement touchant. Leur honnêteté doit nous permettre de comprendre qu’un chemin tout tracé n’est pas forcément celui qu’il nous faut. Ces deux jeunes gens se sont engagés l’un envers l’autre sous la pression de leurs familles et leur désir d'indépendance mais ils se sont vite rendus à l’évidence, ils n’avaient rien en commun. Dans ce genre de contexte, il faut beaucoup de courage pour s'extraire de tout ce que nos proches ont projeté sur nous.

Parfois, comme pour Estelle et Bruno, le mariage peut durer des décennies avant de basculer vers une relation toxique à laquelle il faut mettre fin.

Estelle (49 ans) et Bruno (51 ans)

Estelle – « Pourquoi on s’est séparé ? C'est difficile pour moi de dire la vérité parce que je dois assumer que c'est en grande partie de ma faute. Il m'a fallu du temps pour accepter la réalité de notre rupture... Bah, c’est pas compliqué, je suis devenue totalement addict aux réseaux sociaux et aux jeux en ligne, je me suis mariée avec mon téléphone portable et Bruno est resté sur le carreau… »

Gros blanc, ils se regardent et Bruno sourit

Bruno – « Ouai, c’est un peu une caricature mais faut reconnaître que c’est pas loin de ce qu'on a vécu… J'imagine qu'il y a des explications au fait qu'elle se soit laissée avaler par le monstre Metavers comme certains le surnomment. En tous cas, concrètement, elle passait jusqu’à 10/12 heures par jour devant ses écrans, le téléphone, l’I-Pad et l’ordinateur du salon… Elle ne voyait plus ses amis, elle ne sortait jamais, elle ne faisait plus ni les courses ni le ménage, elle ne prenait plus soin d’elle, elle s’enfermait dans une prison virtuelle dont j’étais totalement exclu, seuls nos enfants recevaient encore un peu de son attention mais ils étaient ados ou jeunes adultes donc ils s'accommodaient très bien de ne pas avoir leur mère sur le dos... »

E – « C’est dur de t’entendre dire ça mais je dois reconnaître que c’est vrai, j’étais dans une spirale infernale. Quand mes enfants ont pris un peu leur indépendance, je me suis sentie de plus en plus inutile. J’ai cherché du travail pendant des mois, j’ai eu deux CDD qui m’ont fait perdre confiance en moi, je me suis renfermée sur moi-même. A force d’être seule à la maison, je me suis prise de passion pour les jeux en ligne puis les réseaux sociaux. Au début, j’avais l’impression de n’y consacrer que quelques heures par jour alors que j’y passais la moitié de mon temps et ça a été de pire en pire."

B – « J’ai essayé de lui faire prendre conscience de son addiction mais elle ne voulait rien savoir. Quand nos plus grands venaient nous rendre visite et que toute la famille était réunie, elle faisait l’effort de sortir de ses écrans mais dès qu’ils repartaient, je perdais le lien avec elle, c’était désespérant. De mon côté, j’ai pris mes distances, je me suis investi dans une association de mon quartier et je rentrais tard le soir. En quelques mois, nous n’avions plus rien à nous dire, on se croisait à peine, on ne prenait plus nos repas ensemble, notre dernier a fêté ses 18 ans et son départ à Nice pour ses études, je crois que c'est la dernière fois que nous avons été à la même table."

E - « Il a raison, après 20 ans de mariage, il n’a fallu que 6 mois pour rompre tous nos liens, sans doute s’étaient-ils usés avant mais mon obsession a eu raison de ce qui restait de notre relation. Je ne voulais pas me faire soigner, je ne voulais pas sauver notre couple, je voulais être libre de me noyer dans cette nouvelle existence que j’avais choisie. C’est ce que j’ai fait, nous avons entamé une procédure de divorce, Bruno a gardé notre maison et j’ai pu acheter un petit appartement dans un quartier pas très loin, je percevais quelques aides et je puisais dans mon épargne pour payer les factures et le loyer. J’ai sombré dans la solitude, l’alcool et toujours plus de jeux en ligne et de forums, de réseaux où je passais mes journées. J’ai pris 20kg en un an, j’ai perdu tous mes amis, j'ai sombré. Début décembre de cette année noire, j’ai fait une tentative de suicide un soir où j'avais trop bu et c’est cet acte abominable qui a mis fin à mon cauchemar. »

Estelle fond en larmes, nous coupons l'enregistrement pour qu'elle puisse reprendre son souffle, Bruno passe sa main doucement dans son dos, elle s'effondre à nouveau puis retrouve son calme et reprend avec la voix tremblante.

E –« Je veux te dire merci Bruno, profiter de ce témoignage ici pour te remercier pour ta gentillesse et ta bienveillance en dépit de tout ce que tu as traversé à cause de moi. Je t'ai déjà témoigné ma reconnaissance souvent depuis ces traumatismes mais je veux le faire ici, aux yeux de tous, pour que les gens sachent combien il est important de garder du respect et de la tendresse pour celui ou celle qui a partagé votre vie, même - et surtout peut-être - si cette personne traverse une tornade. C’est grâce à lui et à nos enfants que j’ai pu me sortir de tout ça, leur amour a été plus fort que ma haine envers moi-même. J’ai été internée pendant deux mois dans une clinique de notre région, j’ai suivi une grosse thérapie et j’ai accepté ma maladie, cette emprise que mes addictions avaient sur moi. J'ai compris que mon addiction avait détruit ma vie et Bruno a tout fait pour que je me sente soutenue dans ce combat. Je ne pouvais pas voir mes proches pendant mon hospitalisation mais j'ai reçu des attentions de leur part chaque semaine, parfois tous les jours. Bruno faisait le maximum pour que nos enfants me témoignent leur soutien. Quand notre fille a annoncé qu’elle était enceinte, tout a changé, une énergie folle s'est emparée de moi, j'étais déterminée à m'en sortir, tu te souviens ?"

Elle se tourne vers son ex-mari, elle est visiblement très émue en repensant à ce moment, Bruno partage cette émotion.

B – « Oui, je me souviens parfaitement de ce moment, tu étais encore à la clinique mais nous avions le droit de te rendre visite depuis peu, on savait tous qu'Adeline (fille aînée) était enceinte et elle avait hâte de t'annoncer cette grande nouvelle. On a décidé que ce serait parfait d'être tous là pour cet instant important, même Thomas (le cadet) a tenu à être témoin en visio., c'était un moment intense qu'aucun de nous ne pourra oublier. Je suis d'accord avec toi, tu as eu un déclic ce jour là, tu as repris goût à la vie au travers de la grossessse de ta fille. C'est vrai que c'est symbolique et c'est vrai que c'était très beau. Depuis, tu as parcouru un long chemin et nous sommes fiers de toi, tu es une maman et une mamie formidable. »

E – « A défaut d’avoir été une épouse parfaite ! »

Ils rient ensemble et nous coupons parce que c'est une merveilleuse conclusion.

Après une longue vie commune, il n’est pas rare de voir les conjoints s’éloigner très rapidement l’un de l’autre. Ici, le départ des enfants du couple a marqué le début d’une descente aux enfers pour l’épouse. Parfois, les dysfonctionnements existent depuis longtemps mais parfois aussi, ils s'installent extrêmement vite et détruisent tout ce qui semblait pourtant solide jusqu'alors. Dans ce type d'impasse, il ne faut pas hésiter à se faire accompagner par un professionnel dans le cadre d'une thérapie individuelle ou thérapie de couple, dans le cadre d'une médiation familiale pour certains. Solliciter une aide extérieure est sans doute l'un des leviers les plus efficace pour passer certains caps difficiles et se remettre sur les bons rails.

Encore une fois, nous remercions de tout cœur ces trois duos d’avoir partagé leurs vécus avec nous, c’est un trésor de pouvoir lire ces récits chargés d'émotions et d'authenticité, merci à vous pour ce vrai cadeau qui permettra à d'autres de se sentir moins seuls, de faire les bons choix peut-être, de se poser les bonnes questions sûrement.

Si vous souhaitez partager votre histoire avec nous, n’hésitez pas à nous faire parvenir vos propres témoignages en utilisant ce lien pour entrer en contact directement avec notre site.

Et pour celles et ceux qui traversent actuellement l’épreuve de la séparation ou du divorce, demandez-nous ICI un bilan de situation gratuit, ça vous permettra d’y voir plus clair et de savoir par où commencer vos démarches.

Plein de courage à vous et merci pour votre intérêt pour notre site !